La résignation citoyenne, un frein à la démocratie

Le dénouement du mouvement récent sur les retraites a été symptomatique de ce nouveau mal qui ronge la démocratie, la résignation citoyenne . Après plusieurs semaines de grèves et donc de pertes importantes en terme de salaires, l’absence de réaction de ce gouvernement sourd et aveugle n’a laissé  d’autre solution aux salariés, du public comme du privé, que de reprendre le travail et d’abandonner  la lutte (du moins pour l’instant). Cette ignominieuse stratégie est devenue le symbole de la politique menée par Nicolas Sarkozy depuis maintenant plus de trois ans.

 

Le poids du quotidien empêche aujourd’hui le citoyen de se mobiliser convenablement pour faire valoir ses droits

Aujourd’hui les préoccupations quotidiennes ont pris le pas sur le reste (la politique, la morale…) chez un bon nombre d’individus : ceux pour qui les journées se résument à tenter de trouver ou de garder un emploi, un logement décent ou bien même des papiers. Lorsque la peur du lendemain l’emporte sur l’espoir d’un avenir meilleur, se révolter devient de plus en plus compliqué. Si l’indignation et la contestation les rongent de l’intérieur, ces personnes ne peuvent l’exprimer en manifestant ou en se mettant en grève, de peur d’en subir des conséquences qui pourraient s’avérer dramatiques pour elles comme pour leur famille. Le poids du quotidien empêche aujourd’hui le citoyen de se mobiliser convenablement pour faire valoir ses droits. Cette résignation des dominés à exercer la citoyenneté, fait la satisfaction des puissants au pouvoir qui ont champ libre pour imposer leurs politiques.

Cette résignation c’est aussi le résultat d’un déni de démocratie auquel nous avons du faire face depuis la ratification du traité de Lisbonne par la France en 2007, au mépris du vote des citoyens lors du référendum de 2005 et donc de la souveraineté populaire. Face à cela pas étonnant que l’abstention soit en passe de devenir le plus grand parti de France : preuve en est la participation aux dernières élections régionales (53,67% d’abstention au 1er tour) ou bien encore plus récemment aux élections municipales de Corbeil-Essonnes (53,08% d’abstention au deuxième tour) et de Noisy le Sec (59,89% d’abstention au deuxième tour).  Cette politique qui vise le découragement général n’est donc rien d’autre que l’ennemi de la démocratie.

 

Cette distance qui s’installe entre les politiques et le peuple est aussi le résultat d’un sentiment général d’indignation face à l’impunité des puissants

 

Cette distance qui s’installe entre les politiques et le peuple est aussi le résultat d’un sentiment général d’indignation face à l’impunité des puissants: l’accord financier passé entre J. Chirac et la mairie de Paris (pourtant de gauche) qui permet à l’ancien président de ne pas avoir à suivre la procédure judiciaire imposée à tout autre citoyen en est une démonstration; ce genre de petit arrangement entre amis donne une image déplorable de la politique et de la justice (une justice à deux vitesses selon que l’on soit puissant ou non). La sauvegarde des banques et des spéculateurs par les pouvoirs publics alors que ces mêmes organismes nous ont poussé à la crise et à la rigueur est l’exemple le plus flagrant de l’impunité offerte aux puissants. Au-delà de ce phénomène, ce sont les cadeaux fiscaux fait aux privilégiés, en particulier en ces temps de crise, qui écœure le plus : du bouclier fiscal à l’absence de contrôle pour les grandes fortunes comme Liliane Bettencourt. Toutes ces affaires laissent apparaître qu’aux yeux des puissants, certains citoyens sont au dessus des autres.

Plus qu’ailleurs, c’est dans les quartiers populaires que la résignation citoyenne se caractérise. Depuis près de vingt ans la politique de la ville est un échec car elle ne permet pas aux habitants de ces quartiers de sortir de la spirale négative dans laquelle ils ont été contraints de s’embarquer (pauvreté, chômage…). Aujourd’hui, ces territoires sont devenus des zones abandonnées de la république : fermetures des services publiques (poste, pôle emploi…), absence de représentation des habitants dans les mondes médiatique et politique… Face à cela le découragement des citoyens était inéluctable et le moins que l’on puisse dire c’est que l’état n’a rien fait pour retourner la situation, pire il l’a accentué. Le débat sur l’identité nationale ou les propositions récentes du président de la république sur le retrait de la nationalité, ont aggravé le sentiment de relégation de ces Français pourtant à part entière: peut-on admettre qu’il y ait aux yeux de la loi des Français au dessus des autres ? Par ailleurs, le fait qu’un ministre en fonction (Brice Hortefeux) ait été condamné pour injure raciale n’arrange en rien cette situation déjà bien compliquée. Les motifs de résignation sont donc devenus pléthore pour ces citoyens, laissés pour compte de la République (on pourrait y ajouter les gens du voyage ou encore les habitants des communes rurales enclavées).

 

« Vivre, c’est ne pas se résigner » Albert Camus

 

Le Parti de gauche et le Front de gauche, conscients de cette situation, mettent en place depuis le 2 Décembre, à travers les quatre coins de l’hexagone, des forums de discussion pour la mise en place d’un programme partagé pour 2012. Ces ateliers sont ouverts à tous, simple citoyens, syndicalistes, travailleurs, chômeurs… Le but de ces initiatives est de donner la parole à tous ceux qui se sentent délaissés par les pouvoirs publics et qui veulent redonner un sens humain au discours et à l’action politique. On ne peut laisser la situation dans l’état actuel, le rapport de force doit redevenir en faveur du peuple et la situation de délitement de la synergie entre l’Etat et les citoyens doit se briser.

Matthieu Lépine

Comments
7 Responses to “La résignation citoyenne, un frein à la démocratie”
  1. @matthieu : comme je l’ai signalé dans l’un de mes derniers billets, cet article est particulièrement intéressant et pourrait constituer une bosse de débat à gauche (vraiment) dans la mesure où il explore un thème peu souvent visité, qui est celui des bonnes raisons qu’ont les gens de ne pas ou plus aller voter…du phénomène de l’abstention donc, qui pourtant, stratégiquement, constitue si l’on sait le traiter et y répodnre, une bonne réserve de voix pour la gauche, si l’on est en mesure de proposer un programme enthousiasmant qui répond à leurs préoccupations quotidiennes telles que celels que tu évoques ici.

    Cela répond d’une autre manière, à mes yeux bien plus intéressante, à la question du vote utile… sous entendu « pour le PS, seul parti de gauche en mesure de l’emporter » alors qu’il est si étroitement concurrencé comme l’histoire électorale récente l’a prouvé (et certaines collusions dénoncées notamment par l’ami des pas perdus) par Europe écologie, qui semble avoir les mêmes intérêts (libéraux) et les mêmes valeurs légèrement teintées en sur relief par des motivations écologiques, aevc de plsu le même type d’électorat. On le voix bien à travers des personnages comme Marc Vasseur, blogueur de son état, mais aussi militant politique (ce que je respecte) qui est passé du PS à Europe écologie pour en revenir très vite, soi-disant dégoûté apr les appareils politiques, mais avant tout transfuge facile car de ma place, ces deux aprtis c’est bonnet blanc et blanc bonnet….

    Un autre monde est possible (je suis avant tout de gauche mais alternatif) et je considère que pour le moment, seul le front de gauche et plsu aprticulièrement le aprti de gauche (que je vois comme un parti de trnasition de nature à agréger les différents courants de l’autre gauche et l’électorat populaire) est en nature de l’incarner.

    Aussi, on ne peut pas tenir le discours sommaire qui consiste à déplorer le fossé entre les appareils politiques et les gens ordinaires (le peuple, ce n’est pas un gros mot pour moi !) et ne pas se préoccuper de propsoer un programme qui montre à nos con,citoyens qui ne votent plus que nous pouvons leur proposer quelquechose qui tienne la route et qui réponde à leurs préoccupations. Et qui par ailleurs démontre à tout un chacun, en le prenant en compte dans son organisation, que les politiques sont tous les mêmes du genre tous pourris… Pour cela l’une des propositions que j’ai vue exprimée dans le programme partagé du front de gauche qui consistait à faire définir une constiuante par et pour el peuple, et d’interdire ensutie à ceux qui y ont participé de participer au gouvernement qui concrétiserait ce projet m’apparait comme un bon moyen de lutter contre la professionnalisation des politiques. Et donc de répondre concrètement aux critiques courantes, ayant une base bien réelle, de ce que tu qualifies à juste titre de « sentiment général d’indignation face à l’impunité des puissants » et de la collusion des pouvoirs politiques et financiers.

    J’attends avec imaptience les commentaires suivants de la gauchosphère que j’ai invitée à se joindre à nous (je crois même que je vais el faire de manière encore plsu visible et tonitruante) sur le sujet. Il m’apparait essentiel pour la sauvegarde de notre démocratie. Sans quoi, nous n’allons faire que reproduire les errements du passé, et la reconduction d’appareils politiques qui se résumeront à un duel sarkosy (ou marine) versus DSK… et la reconduction d’un type de société inégalitaire que nous sommes de plsu en plsu nombreux à dénoncer. Il nous faut sortir des cadres habituels !

    • Matthieu dit :

      Salut GdC et merci pour ta réaction favorable à cet article. C’est vrai que le sujet de la résignation citoyenne ne fait pas la une des journaux. Il est important, particulièrement lorsque l’on est membre d’un parti qui entend redonner au peuple la place qui est la sienne, celle d’un peuple souverain, de soulever ce genre de questionnement.
      Je suis content de voir que des personnes s’inquiètent de la progression de ce phénomène et entendent le combattre au coté du Parti de Gauche et du Front de gauche.

  2. je complète ce que je viens d’écrire en signalant que ce que j’écris à propos du programme partagé du front de gauche n’est pas une illusion, contrairement à ce qu’en pourraient penser nos détracteurs.

    regardez du côté de l’Islande… La crise financière est une catastrophe, mais aussi une chance pour le peuple de se ressaisir et de prendre son destin en main, en refusant la résignation, très concrètement : http://www.temoignages.re/l-exemple-islandais,47086.html

  3. tueursnet dit :

    A vos blogs citoyens !
    Réunissons-nous en cliquant sur une petite souris, seule capable de venir à bout
    d’une politique qui ne tient plus debout.
    Et exprimons-nous de concert, sur les sujets les plus divers à travers nos créations imaginaires…
    pour que le passé soit dépassé et l’avenir ré-ouvert.

    http://www.tueursnet.com/index.php?journal=Bigblog

  4. NoosQuest dit :

    Pour répondre à l’abstention : Le scrutin ne doit pas annuler de votes, ce sont les votes qui doivent avoir le pouvoir d’annuler le scrutin ! Pour que chaque voix compte il y a le blanc et le nul qui devraient remplir cette fonction. Grandir un peu, pouvoir dire non ! Sortir de cette démocratie royaliste ou on donne carte blanche une fois tout les 5 ans ça commence par ne pas être obliger de choisir entre pire et moins pire…Avec une telle option pour un Chirac/lepen qui ne faisaient pas 50% à eux deux !! On viraient les deux pour le prix d’un vote !
    50% de nul ça à quand même une autre gueule que 50% d’abstentionnistes…

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  1. […] également consituer un éclairage intéressant et un sujet de débat fondamental sur le thème de la résignation citoyenne, un frein à la démocratie (et son pendant, l’abstention, phénomène qui m’interpelle […]

  2. […] pourquoi le billet de Matthieu m’a particulièrement interpellé, car le sujet de l’abstention et des moyens d’y répondre […]



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